Qu’est-ce qu’on se poile, les gars !
RÉCIT
Après le burlesque, place au boylesque, la version masculine du strip-tease artistique et émancipateur.
Il débarque sur scène en costume de pilote de ligne.
Ce soir, le Cabaret des Filles de Joie, une revue new burlesque
habituellement exclusivement féminine, accueille le numéro d’effeuillage
de Seb Le Bison. Casquette, veste galonnée et lunettes aviator, il
marche d’un pas assuré. Puis, voilà que le performeur amateur se met à
danser en sautillant sur la chanson l’Hôtesse de l’air, de Jacques Dutronc. «Toute ma vie, j’ai rêvé d’être une hôtesse de l’air.» Et commence à se dévêtir. «Toute ma vie, j’ai rêvé de voir le bas d’en haut.» La veste puis la chemise tombent, dévoilant un torse gringalet. «Toute ma vie j’ai rêvé d’avoir des talons hauts.» Il continue son strip-tease en jetant des œillades appuyées au public. «Toute ma vie, j’ai rêvé d’avoir, d’avoir les fesses en l’air.» Le performeur se retrouve rapidement en petite culotte et talons hauts sur la scène.
On connaissait le burlesque, qui depuis plus d’une dizaine d’années transforme les femmes en pin-up dans un déluge de faux cils, corsets, porte-jarretelles et cache-tétons. Voilà désormais la version masculine du phénomène : le boylesque. «Les premiers performeurs sont apparus au début des années 90 aux Etats-Unis dans le renouveau burlesque, raconte l’artiste américaine Louise de Ville. A côté des femmes, quelques hommes, dont Tigger Ferguson, ont commencé à s’effeuiller de manière glamour.»
Ni strip-tease bodybuildé à la mode Chippendales ni parodie de
féminité façon drag-queen, le boylesque invite les hommes à se dépoiler,
de façon comique ou poétique, dans un strip-tease théâtralisé ou façon
cabaret, en se créant un personnage. «Dans le burlesque, les femmes
peuvent tourner en dérision les stéréotypes féminins comme la
secrétaire, la femme au foyer, la femme d’affaires…» détaille Camille Emmanuelle, auteure spécialiste des cultures érotiques et queer. «Les
hommes aussi bénéficient d’un vaste terrain de jeu. Lors de festivals
aux Etats-Unis, j’ai vu des numéros avec des geeks à lunettes et
d’autres, plus poétiques, d’un homme-oiseau par exemple.» Sur
Internet, on trouve des vidéos de vampires, de toréador, de laitier
sexy… Seb Le Bison, lui, a développé le personnage de Brian Powers, «le cousin germain d’Austin Powers».
«Crispés». Comme l’effeuillage
féminin, le boylesque dévoile tous les corps (de toutes tailles, toutes
formes…) dans une dimension émancipatrice. Et érotique. «Le
burlesque a pu libérer le corps des femmes, c’est intéressant de montrer
aussi celui des hommes, de voir leur sensualité s’exprimer de façon
artistique», précise Louise de Ville. «Je joue avec mon corps,
de façon drôle et sexy et en repoussant les codes de la masculinité. Ce
n’est pas parce que je me balade en talons que je me sens moins viril !» ajoute Seb Le Bison.
S’il existe des festivals aux Etats-Unis, à Londres ou à Vienne, et qu’une dizaine d’artistes comme Brian Scott Bagley, Mitch Tornade, Charlie Voodoo ou encore Soa de Muse se produisent sur les scènes françaises, du côté des amateurs la pratique démarre à peine. Alors que les ateliers burlesques pour femmes ont pullulé ces dernières années, leurs équivalents pour hommes se résument encore à quelques cours. «Ça ne se bouscule pas au portillon», dit Sugar Da Moore, qui propose depuis un an et demi des cours d’effeuillage dans son école la Coquineries School. «La culture latine n’est peut-être pas assez ouverte à ce genre d’ateliers. Les hommes sont peut-être trop crispés sur leur virilité», suppose Sugar Da Moore. Mais, pour le sociologue Daniel Welzer-Lang, «dans la période qui cumule luttes pour l’égalité hommes-femmes et luttes LGBT, il va falloir nous habituer à ces jeux avec le genre»
http://www.liberation.fr/vous/2015/04/23/qu-est-ce-qu-on-se-poile-les-gars_1262015
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